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Pourquoi contester la fermeture administrative de votre restaurant ?

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La fermeture administrative, mesure de police administrative

Comme expliqué durant la formation Permis d’exploitation, il s’agit de mesures de police administrative, donc de mesures qui n’ont pas pour objet de sanctionner mais d’empêcher la poursuite et de prévenir la réitération des faits constatés : Même si les faits délictueux sont commis à l’insu de l’exploitant.

Pour exemple de décision:« Considérant en deuxième lieu que les mesures prises en vertu des dispositions précitées de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique ont pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés à la fréquentation même de l’établissement ; que la circonstance que les faits délictueux auraient été commis à l’insu de l’exploitant est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; que le préfet peut user de son pouvoir de fermeture de l’établissement sans
attendre que le juge pénal se soit prononcé sur les infractions ; (…) »)

Le Conseil d’Etat a réaffirmé, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, ce principe de la fermeture administrative. Cette question été soulevée à l’encontre du 3 de l’article L. 3332-15 du CSP (CE, 9 mai 2012, M. Meillon et société Sotref c/ préfet de police, n° 356977).

Dans sa décision, le Conseil d’État indique clairement que lorsqu’elle est ordonnée en application des dispositions combinées du 3 et du 4 de l’article L. 3332-15 du CSP, « en cas de commission d’un crime ou d’un délit en
relation avec l’exploitation ou la fréquentation d’un débit de boissons, la fermeture […] a pour objet de prévenir la continuation ou le retour des désordres liés au fonctionnement de l’établissement, indépendamment de toute recherche de responsabilité de l’exploitant ; […] une telle mesure doit être regardée en conséquence, non comme une sanction présentant le
caractère d’une punition, mais comme une mesure de police. »

Le Conseil d’État en conclut qu’un requérant ne peut pas soulever le moyen, qui ne trouve application qu’en matière répressive, selon lequel les dispositions du 3 de l’article L. 3332-15 porteraient atteinte aux principes de légalité des délits et des peines et de nécessité des peines énoncés par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen à laquelle renvoie le Préambule de la Constitution ainsi qu’à celui de la personnalité des peines tiré des dispositions des articles 8 et 9 de cette Déclaration.
Dans le même sens, le Conseil d’État a rappelé dans une de ses décisions n° , que « les mesures de fermeture de débits de boissons ordonnées par le préfet sur le fondement [de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique] ont toujours pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés au fonctionnement de l’établissement, indépendamment de toute responsabilité de l’exploitant.

Qu’elles soient fondées sur les dispositions du 1, du 2 ou du 3 de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique, de telles mesures doivent être regardées non comme des sanctions présentant le caractère de punitions
mais comme des mesures de police.

Par suite, c’est toujours comme juge de l’excès de pouvoir et non comme juge de plein contentieux que le juge se prononce sur les demandes tendant à leur annulation. » 

Les mesures de fermeture administrative peuvent être édictées par le préfet sans attendre que le juge pénal se soit prononcé sur l’infraction constatée .

Elles ne visent pas l’exploitant mais l’établissement lui-même (Conseil d’État) : « Les mesures prises, qui ont pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés à la fréquentation même de l’établissement,
concernent l’établissement et non la personne de l’exploitant ».

Ainsi, la décision administrative de fermeture s’applique quand bien même le débitant de boissons concerné a cédé son établissement à un tiers, étranger aux faits, et quand bien même la cession serait intervenue avant l’intervention de l’arrêté. Sous réserve de l’interprétation du juge, il n’en irait autrement qu’au cas où, après liquidation judiciaire et radiation du registre du commerce et des sociétés, un nouveau débit de boissons à consommer sur place ouvrirait, exploité sous une autre enseigne et par un autre gérant.

La procédure contradictoire avant fermeture administrative


Obligation de motivation de cette fermeture administrative
Dans tous les cas, les mesures de fermeture administrative doivent être motivées au sens du code des relations entre le public et l’administration : « Considérant en troisième lieu que l’arrêté en cause, qui mentionne les textes législatifs et réglementaires dont il fait application, et énonce de manière circonstanciée les faits qui en constituent le fondement, satisfait ainsi aux exigences de l’article 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; (…) »)
Le destinataire de la décision doit pouvoir « à la seule lecture de la décision » en connaître les motifs . Cette obligation vise donc avant tout à l’information et à la compréhension des décisions administratives par les personnes à qui elles s’imposent mais aussi par le juge qui va les contrôler.
C’est pourquoi la motivation des mesures de police doit être effectuée avec soin et s’attacher à démontrer la réunion de l’ensemble des conditions exigées de la façon la plus circonstanciée possible par l’énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent la décision.

Procédure contradictoire pour établir la fermeture admninstrative
Sauf urgence motivée, les mesures de fermeture administrative doivent également être précédées d’une procédure contradictoire fondée sur l’article L. 122-1 du code des relations. Qui a codifié la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs :
« Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (…) restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (…) ».
Article L. 211-5 : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ».


La jurisprudence admet couramment que les nécessités de l’ordre public ou d’urgence puissent justifier l’absence de procédure contradictoire sans vicier la légalité de la sanction (CE 2 avril 1993, Ministre de l’intérieur
c/ SARL L’Étincelle, n° 102215 : « Considérant que la décision du préfet de police du 16 juin 1988 de prononcer la fermeture du débit de boissons « l’Étincelle » a été prise à la suite de l’arrestation d’un vendeur d’héroïne pris en flagrant délit alors qu’il venait de vendre des stupéfiants à l’intérieur de l’établissement ; que les nécessités de l’ordre public commandaient d’interrompre ce trafic de stupéfiants dans les meilleurs délais ; que par suite et alors même que, la décision ordonnant la fermeture a été prise un mois après l’arrestation susmentionnée, l’absence de procédure contradictoire n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, entaché d’illégalité ladite décision. ») entre le public et l’administration (5 de l’article L. 3332-15 du CSP) : « Considérant que (…) cette mesure (…) a le caractère d’une mesure de police et doit, dès lors, être motivée par application des dispositions précitées et, par suite, entre dans le champ d’application des dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; considérant qu’il ressort des pièces du dossier [que le gérant], a été informé par le sous-préfet de Bar-sur-Aube le 25 juin 2007 de la fermeture de la discothèque Le Sphinx pour une durée de quinze jours et qu’il a pu présenter des observations orales ; que, toutefois, il n’est pas établi qu’il aurait été prévenu téléphoniquement de la mesure envisagée ; qu’ainsi, il n’a pas disposé d’un délai suffisant pour pouvoir préparer des observations, qui n’ont, en outre, pas pu être écrites ; qu’il n’est, enfin, pas davantage établi que, dans les circonstances de l’espèce, l’urgence ou les nécessités de l’ordre public justifiaient que la décision de fermeture provisoire fut prise sans que le gérant de la société ait été mis à même de s’expliquer par écrit sur les faits qui lui étaient reprochés ; qu’ainsi la décision du sous-préfet
de Bar-Sur-Aube a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; (…) »
Une lettre doit ainsi être notifiée à l’exploitant, l’informant des griefs et de la mesure envisagée et lui précisant la faculté qui lui est ouverte, dans un délai fixé par le préfet mais qui ne saurait être inférieur à quinze jours, de présenter ses observations écrites et/ou orales.

Il sera précisé que pour le cas où il souhaiterait présenter des observations orales, il peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix.

L’arrêté de fermeture éventuellement signé à l’issue de ce délai visera la lettre ouvrant la procédure contradictoire ainsi que la réponse, ou l’absence de réponse, qui y aura été apportée.
Qui a codifié l’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations :
Article L. 121-1 du CRPA : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable. »

L’énoncé des griefs portés à la connaissance de l’exploitant doit être précis et exhaustif. Dans le cas où la mesure de fermeture sera ultérieurement édictée, les motifs qu’elle énoncera ne pourront être différents de ceux qui figurent dans la procédure contradictoire.

Les conditions de fond

Séparation des procédures administrative et judiciaire
S’agissant d’une mesure de police administrative, la fermeture temporaire ne peut pas s’appuyer sur les pièces de procédure judiciaire, tels des procès-verbaux d’audition, mais seulement sur des rapports administratifs adressés par les forces de l’ordre au préfet ou sur des faits rendus publics par la presse. Utiliser des pièces de procédure judiciaire expose le
signataire de l’arrêté ou du courrier au risque de poursuites pénales pour recel de violation du secret de l’instruction.


La constatation de l’infraction est opérée par des agents exerçant des missions de police administrative. Ces agents peuvent être, en outre, investis d’attributions de police judiciaire
qui trouveront également à s’exercer dans la mesure où une infraction déterminée peut entraîner des suites judiciaires ainsi que des mesures administratives.


Le point de départ de la procédure menant à la fermeture administrative d’un débit de boissons, indépendamment d’éventuelles poursuites judiciaires, est un rapport administratif émanant d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale, agissant dans le cadre de ses attributions de police administrative. Ce rapport doit
être précis et suffisamment circonstancié pour établir la matérialité des faits motivant la mesure de fermeture. Si tel n’est pas le cas, le juge administratif annulera l’arrêté du préfet.


Motivation stricte des faits avant fermeture


Quelque soit le motif invoqué, les faits reprochés doivent impérativement avoir un lien avec la fréquentation de l’établissement ou ses conditions d’exploitation :
« Considérant qu’eu égard au danger pour la sécurité publique que constituait la disproportion entre le nombre des personnes acceptées au sein de l’établissement et la capacité d’accueil de ce dernier, et aux atteintes répétées portées à la tranquillité du voisinage, lesquelles avaient
pour origine non pas tant la simple déficience technique du limiteur acoustique qui était sur le point d’être remplacé que les conditions mêmes du fonctionnement de l’établissement, le préfet a pu, sans erreur manifeste d’appréciation, ordonner cette fermeture pour une durée
d’un mois. »


Les faits reprochés peuvent s’être déroulés, non pas dans l’établissement mais à proximité immédiate de celui-ci, pourvu qu’ils soient en lien avec la fréquentation de l’établissement ou ses conditions d’exploitation.

 

Le Conseil d’État considère en l’espèce « qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment du procès-verbal établi par un commissaire de police le 18 décembre 2000 qu’une fusillade survenue le 3 septembre 2000 hors de la discothèque avait été précédée, à l’intérieur de l’établissement, d’une rixe au cours de laquelle une personne avait exhibé un couteau ; que le procès-verbal relève également que,
le 13 novembre 2000 vers 6 heures, un employé de l’établissement, qui apparaissait comme un dirigeant de fait de celui-ci et qui faisait partie « d’une équipe structurée du milieu aixois », a été abattu par balles alors qu’il regagnait son véhicule stationné sur le parking de l’établissement ; qu’en jugeant que de tels faits étaient des « incidents » sans relation avec la fréquentation de l’établissement ou ses conditions d’exploitation et n’étaient par suite pas de nature à justifier légalement la mesure de fermeture attaquée prise sur le fondement des dispositions de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique, la cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’une erreur de qualification juridique ; que le ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales est dès lors fondé à en demander l’annulation. »
Dans un cas jugé à Bordeaux, une discothèque offrait une entrée gratuite à tout client achetant une bouteille d’alcool. Des consommateurs, qui n’étaient pas en état d’ébriété à leur arrivée, bénéficient de cette offre, s’enivrent et sont victimes d’un grave accident de circulation peu après leur départ. Ces faits « doivent être regardés comme ayant un lien avec
les conditions de fonctionnement de l’établissement » et justifient légalement la fermeture administrative de celui-ci pendant quatre mois.
De même, le Conseil d’État a estimé qu’eu égard au nombre important d’accidents produits à proximité de l’établissement fermé par décision préfectorale et au nombre d’infractions routières constatées par les forces de gendarmerie, le préfet, en estimant que ces circonstances révélaient une atteinte à l’ordre public en relation avec la fréquentation de la discothèque, a pu prendre une telle mesure sans méconnaître de manière manifestement illégale la liberté du commerce et de l’industrie.
« Considérant toutefois, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction qu’à la suite d’un accident de circulation ayant entraîné, à proximité de l’établissement, le 25 septembre 2011, la mort de deux personnes, le préfet du Calvados a demandé aux services de la gendarmerie de lui faire rapport des accidents et infractions à la sécurité routière constatés aux abords de la discothèque ; qu’il résulte de ce rapport, remis le 30 septembre 2011, que,
depuis le mois de mai 2008, les accidents de la circulation routière survenus à proximité de la discothèque ont entraîné six décès et cinq blessés ; qu’en outre, depuis le début de l’année 2011, quarante-cinq procédures de
conduite sous l’emprise d’un état alcoolique ont été établies par la gendarmerie aux abords de l’établissement ; que, dans ces conditions, et alors même qu’il n’est pas contesté que le gérant de la discothèque, qui a repris l’exploitation de l’établissement en janvier 2010, a pris un certain nombre de mesures de nature à diminuer le risque d’accidents de la route, le préfet du Calvados, en estimant que ces circonstances révélaient une atteinte à l’ordre public en relation avec la fréquentation de la discothèque Le Margouillat et en prononçant, pour ce motif,
sa fermeture pour une durée d’un mois
, n’a pas porté d’atteinte manifestement illégale aux libertés d’entreprendre et du commerce et d’industrie qui constituent des libertés fondamentales. »

 

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