Outil indispensable à l’exploitation d’un débit de boissons, la licence IV se trouve être parfois le seul actif de valeur d’un établissement, outre le fond de commerce.
En effet, à force de leasing, de mise à disposition de machines à café ou de pompes à bières par, respectivement, le fournisseur de café ou le brasseur, les créanciers se trouvent parfois dépourvus quand leur débiteur est un débit de boisson… à moins d’utiliser la saisie de licence IV.
La saisie de licence IV : les conditions de saisissabilité
Pour effectuer une saisie de licence de boissons à consommer sur place (saisie de licence IV ou III), la première condition est naturellement d’être en possession d’un titre exécutoire condamnant au paiement d’une somme d’argent, avec exécution provisoire ou définitive.
Avant d’aller plus loi, rappelons qu’il existe deux catégories de licences de débit de boissons à consommer sur place:
- La licence de 1ère catégorie, encore appelée ‘ »licence de boissons sans alcool », qui comprend l’autorisation de vendre pour consommer sur place les seules boissons non alcoolisées n’existe plus depuis 2011 ;
- Celle de 2ème catégorie, dite « licence de boissons fermentées » qui comprend l’autorisation de vendre pour consommer sur place les boissons sans alcool et les boissons fermentées non distillées (vin, bière, cidre, poiré, hydromel, et certains vins doux naturels) ; à été fusionée avec la licence III dont vous trouverez la définition plus bas
- La licence « restreinte » de 3ème catégorie, qui autorise à vendre pour une consommation sur place exclusivement des boissons sans alcool, des boissons fermentées non distillées et des vins, liqueurs et apéritifs ne titrant pas plus de 18° d’alcool pur; tout savoir sur la fusion licence 2 et licence 3
- La licence IV dite « grande licence » ou « licence de plein exercice », qui permet à son titulaire de vendre pour consommer sur place toutes les boissons dont la consommation est autorisée.
C’est cette dernière licence qui nous intéresse dans le cadre de la saisie de licence IV.
Comme la licence est un droit incorporel, comme l’est le droit au bail, elle fait partie des éléments du fonds de commerce, au même titre que le droit de clientèle, l’enseigne ou le droit au bail par exemple et peut à ce titre être cédée, sous réserve du respect par l’acquéreur des formalités administratives et fiscales prévues par le Code des débits de boissons et le Code général des impôts.
Aussi, puisqu’elle est cessible, est-elle saisissable sous les mêmes conditions.
Elle n’est toutefois pas un élément essentiel du fonds de commerce et la jurisprudence considère qu’elle peut être cédée ou saisie en dehors de toute cession (ou saisie) du fonds de commerce.
Il n’est d’ailleurs pas rare que le propriétaire d’un local commercial à usage de débit de boissons soit le propriétaire de la licence, qu’il loue à l’exploitant.
Certains huissiers de Justice, conseillent d’ailleurs au propriétaire d’un local à usage de débit de boissons, si son locataire titulaire de la licence IV venait à ne pas lui payer ses loyers, à faire procéder à la saisie de la licence IV par leurs soins, afin à terme de devenir titulaire de la licence.
Comment procéder à la saisie de la licence IV ?
En effet, aucun texte précis ne prévoit cette saisie de licence IV puisque les textes relatifs aux procédures civiles d’exécution ont spécialisé les saisies en fonction de la nature du bien à saisir et ne visent pas les licences.
Le code des procédures civiles d’exécution procède par analogie en fonction du bien à saisir
- Si la saisie porte sur un bien meuble corporel,la procédure à retenir est la saisie vente(entre les mains du débiteur ou d’un tiers)
- Si le bien à saisir est une créance, la procédure à retenir est la saisie attribution(entre les mains d’un tiers)
- Si la saisie porte sur un droit incorporel , les procédures à retenir sont les saisies des droits incorporels
Une fois cela compris, il va de soi que la saisie de la licence IV doit revêtir la forme d’une procédure des droits incorporels.
Mais laquelle ? En effet, le Code des Procédures Civiles d’Exécution n’a pas prévu dans sa partie réglementaire de procédure spécifique à la saisie de droits incorporels, mise à part * La saisie des droits d’associés et aux valeurs mobilières,c’est à dire aux droits sociaux émis par les sociétés.
Pour autant, nous voila bien avancés puisqu’une licence de débit de boissons n’est en aucun cas un droit social émise par la société.
Serait-ce avouer que faute de procédure adaptée, la saisie de licence IV serait impossible ?
A cette question, il convient évidemment d’apporter une réponse négative, pour la simple raison que la règle dictée par l’article R112-1 du code des procédures civiles d’exécution est la saisissabilité de tous biens, et l’insaisissabilité est l’exception.
Aussi, un « flou juridique » permettrait-il de rendre, de facto, un bien insaisissable ?
On voit bien que la réponse est évidente au regard notamment de l’article L231-1 du code des procédures civiles d’exécution : « Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie et à la vente des droits incorporels, autres que les créances de sommes d’argent, dont son débiteur est titulaire ».
Aussi, avons-nous adapté la saisie de licence IV aux textes les plus proches, à savoir la saisie de droits d’associés etvaleurs mobilières.
Il est important de noter que la jurisprudence a validé ce type de saisies.
La saisie de la licence IV en pratique
Les licences de débit de boissons étaient jusqu’en 2013 gérées tant par les mairies que par les services des douanes, ce qui entraînait une difficulté pour identifier le tiers entre les mains duquel il convenait de procéder à la saisie.
Aujourd’hui, la mairie est seule détentrice du fichier des licences et est donc la seule entité entre les mains desquelles la saisie doit être faite.
Il est à noter toutefois qu’à Paris, c’est la préfecture de Police qui conserve ce privilège, à Dijon, lyon et Bordeaux ce sont bien les services du maire qui assure cette activité.
Le premier acte que nous établissons, une fois le titre exécutoire signifié, est donc une saisie entre les mains de la mairie, qui rend indisponible la licence IV saisie, et entraîne une interdiction de toute cession.
Les huissiers ont alors un court délai de seulement huit jours pour avertir par voie de dénonciation le débiteur titulaire de la licence saisie de l’existence de celle-ci, afin de lui ouvrir un délai d’un mois pour faire valoir devant le Juge de l’Exécution ses éventuelles contestations.
A défaut de contestation, la procédure de vente peut avoir lieu.
Toutefois, n’oublions pas que l’huissier de justice s’apprêtes à vendre un élément du fonds de commerce et qu’à ce titre il doit prévenir, conformément aux dispositions de l’article L143-10 du code de commerce, les créanciers inscrits et leur ouvrir un délai de dix jours pour entamer une action de vente in globo du fonds de commerce.
Ce n’est qu’une fois ces délais expirés que la saisie de licence IV pourra se traduire par une vente aux enchères.
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