Aujourd’hui, j’interview Solène, gérante d’un bar à empanadas : Muchacha, situé dans le 3ème arrondissement de Lyon. A travers cet interview, nous revenons sur son parcours professionnel, et les conseils qu’elle a à nous partager.
1. Quel était votre métier avant d’ouvrir votre établissement ?
Solène : Avant d’ouvrir Muchacha j’étais attachée de presse. J’habitais sur Nîmes et je travaillais dans une agence de relation presse, dans laquelle je faisais le lien entre les entreprises et les journalistes. En 2017, je suis partie faire un tour du monde en sac à dos et j’ai quitté mon travail. Et, je savais qu’en rentrant je voulais me mettre à mon compte sans savoir dans quoi. Seulement que je voulais travailler dans le commerce – mes parents étaient commerçants- et je voulais retrouver un lien comme ça, avec du public, avec des gens que je n’avais pas en tant qu’attachée de presse. Et du coup, le déclic s’est fait pendant mon voyage.
J’ai découvert les empanadas en Amérique Latine. Et, je me suis rendue compte que c’est un produit qu’on ne connaissait pas tellement en France. C’est pourquoi, en rentrant en France, j’ai décidé d’ouvrir un bar à empanadas.
2. Quel a été le déclic ?
C’est vraiment la découverte des empanadas qui a été un déclic. C’est un produit qu’on retrouve absolument partout, dans toutes les rues d’Argentine, alors qu’en France ce n’est presque pas connu. Aujourd’hui, ça commence à se démocratiser. Mais, quand j’ai ouvert beaucoup de clients rentraient dans mon établissement pour me demander ce qu’étaient les empanadas.
En France, nous avons beaucoup de street food asiatique mais assez peu, finalement, de cuisine sud américaine, même si ça commence à se démocratiser.
3. Du coup, quelle a été la réaction de votre entourage ?
Il y a eu deux réactions. Il y a eu soit un soutien à fond, soit au contraire, les gens qui ne comprenaient pas tellement pourquoi je me lançais dans cette voie, du fait que ce soit une voie difficile. On me demandait « Et pourquoi à ton compte ? Pourquoi les empanadas ? » Donc il y a eu un peu d’incompréhension, avec certaines personnes qui essayaient de me faire changer d’idée.
4. Qu’est-ce qui vous a fait tenir le coup ?
Je suis têtue. C’est une qualité indispensable parce que des gens qui ne seront pas de votre avis, vous en rencontrerez tous les jours et il y en a même après, une fois qu’on a ouvert. Des gens vont parfois se permettre de donner des conseils, mais qui n’en sont pas vraiment. Donc oui, il faut être têtu. Et puis, c’est aussi parce que je croyais à fond dans mon projet donc j’étais sûre de moi. On lâche jamais rien. C’est super important.
5. Combien de temps il y a eu entre l’idée et l’ouverture de votre établissement ?
Je suis partie en voyage fin 2017, début 2018 et c’est à ce moment là que l’idée est arrivée. Comme j’étais en voyage, j’ai mis l’idée de côté dans un coin de ma tête. Lorsque je suis rentrée, lors du premier semestre 2018, j’ai commencé à travailler dessus.
De ce fait, il y a eu un an qui s’est écoulé entre l’idée et l’ouverture de mon bar à empanadas.
6. Par quelles étapes êtes-vous passée ?
La première étape c’est tout ce qui va être étude de marché, business plan. C’était très important pour moi de bien le faire, parce que je ne connaissais pas encore les chiffres clés du marché de la restauration, et plus particulièrement de la street food sud américaine. J’ai aussi étudié la concurrence en profondeur. Comme je vivais à Nimes, c’était important que je me remette dans le bain en analysant ce qui était présent sur Lyon en termes de restaurant.
En deuxième étape il y a eu la recherche du local, qui a été la partie la plus longue, conséquente et décourageante. C’est vraiment la partie que je n’ai pas trouvé facile. Après, par contre, une fois que l’on a trouvé le local, il y a toute la partie administrative derrière. Et ça, ça va plutôt assez vite. Tout se met en place, au fur et à mesure, parce que c’est une suite logique.
Et enfin arrive l’ouverture.
7. Qu’est-ce qui a été long dans la recherche du local ?
C’est de trouver le bon local. Parce qu’on m’a toujours dit, et de nombreuses personnes me l’ont répété qu’il y a 3 secrets pour bien vendre : « 1. c’est l’emplacement, 2. c’est l’emplacement et 3. c’est l’emplacement ». Et tout le monde dit ça. Cela met une pression assez folle, à se dire « Wow si j’ai pas le bon emplacement, en fait, ça ne va pas marcher. » C’est pourquoi, l’emplacement m’a pris beaucoup de temps. Il y avait aussi une question de budget car j’avais un petit budget pour l’achat, donc forcément des biens moins bien placés et qui collaient moins au concept que je voulais développer.
8. Comment êtes-vous tombée sur ce local ?
Via une agence. Au final, j’ai surtout fait des visites via agence car sans réseau, c’est quasiment impossible de trouver un local.
Par la suite, pour me dire que c’était vraiment celui-ci, j’ai énormément parcouru le quartier. Je suis restée de nombreuses heures devant le local à compter le nombre de passants. Je me suis aussi penchée sur les PLU, les plans d’urbanismes pour voir les projets de construction dans le quartier. Je visais surtout les salariés, en restauration du midi. Donc je devais regarder quelles entreprises allaient ouvrir. Pour le coup, les bureaux d’Orange ont ouvert juste à côté rue Maurice Flandin et la CARSAT a aussi réouvert son site ici il y a quelques mois. Et le quartier est encore amené à se développer.
Au final, je suis très contente de l’emplacement de Muchacha et je suis très contente d’avoir pris mon temps pour ce choix-là.
C’est très important et l’emplacement peut tout définir. Je me dis aussi qu’avec le même concept, si je m’étais implantée ailleurs, peut-être que ça n’aurait pas fonctionné.
9. Avez-vous été accompagné dans les différentes étapes du parcours de création ?
Pour le local, donc c’était par agence. Après sur l’accompagnement au final, j’ai beaucoup fait toute seule. C’est un peu un regret d’ailleurs parce que cela demande beaucoup d’énergie. On se demande parfois « est-ce que je vais dans la bonne direction ? » et on est juste confrontée à soi-même pour les réponses et ce n’est pas toujours évident.
10. Est-ce que vous avez suivi des formations ?
Alors oui, forcément les formations obligatoires. Donc la formation HACCP et le permis d’exploitation, chez OAFormation. Ca été vraiment les deux formations que j’ai passé qui m’ont beaucoup appris. Et j’en suis très contente. Si ça n’avait pas été obligatoire je les aurais peut être pas faites, mais je suis très contente de les avoir faites tout de même. Ca m’a permis déjà, de me confronter un petit peu plus à la réalité. Ca m’a permis d’en apprendre aussi, sur tout ce qui était, normes et réglementations. Parce que sur internet, c’est bien on trouve pleins de choses mais, à un moment donné, c’est hyper compliqué de choisir les bonnes informations, de savoir de qui dit vrai et de qui dit faux, et de hiérarchiser toutes ces infos. Donc en fait, pendant la formation c’est là où on se dit : « ah oui, en fait, ça c’est important et ça, et ça, ça ne l’était pas. » Alors qu’on allait pouvoir croire l’inverse avant.
En hygiène j’avais déjà fait des formations, donc je connaissais déjà certaine chose mais ça m’a permis de valider des process.
11. Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées ?
La difficulté est celle du local principalement. Après il pourrait y avoir, justement le fait de ne pas être assez entouré. Et perdre un peu de temps sur des choses pas importantes alors que ça aurait mérité de s’attarder plus sur d’autres choses. Et puis, du coup je n’avais plus le temps puisque ce temps je l’avais consacré à d’autres choses.
Aussi, trouver la bonne info.
12. Comment s’est passée l’ouverture, et qu’est-ce vous avez ressenti à ce moment là ?
L’ouverture s’est super bien passée ! Beaucoup mieux que mes business plans, mes prévisionnels, et tout ça. Je ne m’attendais pas à un tel succès immédiat. Ici, c’était une boulangerie avant et j’ai fait un mois de travaux, jour pour jour. Donc à l’ouverture, j’étais déjà fatiguée par les travaux d’avant. Et j’étais mine de rien hyper anxieuse. Parce qu’on ne sait pas ce qui va arriver, alors qu’on a mis toutes ses tripes dans un projet comme ça. Il faut que ça marche, il n’y a pas le choix. L’échec n’est pas une option. Et je ne pensais pas que ça marcherait aussi bien et aussi rapidement ! La première semaine, à partir de 12h30, je n’avais plus rien à servir, parce que la clientèle était tout de suite au rendez-vous. Et après, je me suis dit ça va redescendre, c’est l’attrait de la nouveauté. Et en fait, pas du tout ! Je captais tous les jours des nouvelles personnes. Et même aujourd’hui, il n’y a pas un jour sans que je n’ai pas un nouveau client.
Donc tout de suite, j’ai été hyper satisfaite. Et assez fière de moi quand même ! Très fatiguée mine de rien parce qu’à la fatigue d’avant, s’ajoute la fatigue d’après l’ouverture.
13. Est-ce que vous pouvez nous décrire une journée type ?
Une journée type va commencer à 7h – 7h30, à part les lundis où j’arrive plus tôt, parce que les frigos sont entièrement vides. Donc les lundis plus vers 6h. Je passe en production sur tout ce qui va au four. Je vais donc cuire mes empanadas. Je vais faire tous les gâteaux, les carrot cakes, les cookies. On va faire rôtir les courges pour les salades… Toutes ces bonnes choses qui doivent passer au four. Comme ça, ça me permet, surtout en été, d’éteindre le four assez rapidement.
Après, j’ai quelqu’un qui arrive à 9h. On passe toutes les deux sur les entrées, les desserts. Il faut envoyer absolument pour le service de midi. Donc on passe en production tous les matins.
Et en même temps, on va faire les farces des empanadas. On a 6 recettes différentes plus 1 mensuelle, donc les 7 farces. Moi, en parallèle, je fais l’ouverture à 9h30. Donc à partir de 9h30, je passe à la fois en service et en cuisine. Je fais à ce moment là, toute ma mise en place pour que tout soit en vitrine dès 9h30. Je suis partagée entre les deux jusqu’à 11h50. Et à 11h50, je passe exclusivement en service, jusqu’à 13h30.
Ensuite, je repasse en cuisine, pour le moulage des empanadas. On moule les empanadas les après-midis. Cela permet de bien les sceller pendant la nuit. Et comme ça, quand ils passent au four le lendemain matin ils ne se rouvrent pas.
Ensuite je nettoie la salle et la cuisine.
Et après, je fais tout ce qui est administratif, comptabilité, communication et réseaux sociaux. Donc voilà, comment se remplit une journée !
14. Auriez vous aimé faire certaines choses différemment ?
Je regrette de ne pas m’être assez entourée. C’est vraiment très très important de bien s’entourer, parce que ça fait gagner du temps et de l’énergie. Même aujourd’hui, je me dis que c’est important d’avoir du réseau parce que quand on a des questions à poser, on peut avoir la réponse en quelques minutes alors que ça peut nous prendre des heures à chercher.
Et post ouverture, ça été de ne pas embaucher assez vite. Cela épuise inutilement alors qu’il y aurait mieux valu que j’embauche un peu plus tôt. Une embauche c’est un investissement financier mais aussi personnel parce que ça prend du temps. Déjà rien que le process de recrutement et puis après pour que la personne soit opérationnelle. Donc, si c’était à refaire, j’embaucherais beaucoup plus tôt.
15. Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaitent se lancer ?
Alors, premier conseil super important, s’entourer. Ensuite, ne jamais se décourager. Parce que ça fait les montagnes russes tout le temps. Il y a des jours où tout roule, on se dit que ça va cartonner et le lendemain on est au 36ème en dessous parce qu’on a eu un retour négatif de la banque, de la CCI ou autre. On se dit mince en fait, je mets toutes mes billes dedans et ça ne marchera pas peut être pas. Il ne faut donc jamais se décourager, ne jamais rien lâcher ! Continuer tout le temps de croire en soi malgré ce que les autres peuvent dire. C’est important d’écouter les conseils, mais c’est important de faire du tri et de se faire confiance. Et enfin, faire un stock de sommeil.
Très intéressant !
Témoignage très pertinent et complet de la part de Solène qui explique très bien les tenants et les aboutissants de la mise en vie d’un projet entrepreneurial !